Le système de Gestion des Ressources Humaines français n’est pas un système de Gestion Humaniste des Ressources Humaines.
C’est juste un système de Gestion des Personnels renommé Gestion des des Ressources Humaines. Pour le rendre un peu plus « fun », a été ajouté depuis septembre 2019 le terme de « proximité ».
Même plus « proche » de toi, ce système de « Gestion des Ressources Humaines de Proximité » n’en garde pas moins ses priorités : un enseignant devant chaque classe, un enseignant pour chaque élève, avec au moins 5 mois d’anticipation.
Pourquoi 5 mois ?
Car les services centraux parisiens de la Direction Générale des Ressources Humaines, qui sont pilotés par des énarques administrateurs civils qui n’ont jamais été professeurs (ou très rarement et en tous les cas, à peine quelques années), ont pour mission le pilotage des masses.
L’Education nationale est une masse de 1,3 million de personnes dont 857.000 professeurs. C’est loin d’être une gestion simple, ce mode de management ne fait pas dans le détail. Tu es une ligne parmi 857.000 lignes dans un tableau Excel.
Une nouvelle Gestion des Ressources Humaines personnalisée ?
Depuis septembre 2019 une forme de personnalisation a été introduite avec des «référents Proxi RH» chargés d’être à l’écoute de tes questions, et de ton projet. Entrer en relation avec eux, c’est entrer en relation avec toute la chaîne hiérarchique qui les supervise, puisque eux, n’ont aucun pouvoir de décision sur le projet que tu iras leur présenter. 75% d'entre eux sont assis sur un siège éjectable, payés 3 heures supplémentaires par mois. Ils ont juste pour rôle de t'écouter, de t'informer, de te conseiller. Ils n'ont pas de pouvoir décisionnaire. C'est le problème. Tu t'en apercevras très vite.
Qui décide d'appliquer LA nécessité de service ?
Les cadres administratifs en position de décision, ce sont les Recteurs pour le 2nd degré, les Dasen pour le 1er degré. Et souvent ce sont leurs chefs de division (DPE, DRH) qui prendront à leur place la décision. Car ils possèdent ce que l’on appelle leur « délégation de signature ». Ils peuvent au nom du Dasen ou du Directeur, sur certains actes, décider en nom et place des Recteurs et des Dasen.
Les Recteurs et les Dasen savent qu’ils peuvent faire confiance aux Directeurs des Ressources Humaines et aux Directeurs des Personnels Enseignants car un serment de loyauté les lie étroitement. Si tu te souviens du Moyen-Age et de l’adoubement des chevaliers par les seigneurs, c’est le même principe.
L'Education nationale comme toute administration, c'est un système de loyautés imbriquées
Chaque subordonné dans l’Education nationale est lié par un serment de loyauté envers son suzerain, qui est la personne qui le dirige. Chef de service adjoint, Chef de service, Adjoint de Chef de Bureau, Chef de Bureau, sous-directeur, Directeur : tous sont liés par une loyauté sans faille, et ne feront rien pour t’aider qui n’ait été accepté d’abord par la « Feuille de Route » du grand chef suprême qu’est le Dasen ou le Recteur. Ils ont tous accepté de perdre leur liberté, car en échange, le système de management leur a donné un immense pouvoir: limiter la liberté des autres. Ils gagnent de très belles primes et même des médailles (Mérite, Palmes Académiques, Légion d'Honneur) s'ils font tout ce qui leur est demandé sans faire part de leurs états d'âme ni de leurs émotions, en restant professionnels.
Même si le Grand chef suprême qu’est le Dasen a été autrefois professeur des écoles, quelques années, parfois une décennie, il n’aura aucun état d’âme à refuser ton départ, puisque son rôle, comme le Recteur (ancien Professeur d’Université, ancien Inspecteur Général ou ancien Administrateur Civil), c’est de contenir les effectifs et d’en disposer suffisamment là où ils sont attendus.
Un professeur titulaire est complètement coincé, privé de sa liberté
Si tu as obtenu un concours de l’Education nationale ou de l’enseignement privé sous contrat, c’est très simple : tu es complètement coincé, maintenant, et toute demande de mobilité passera par le bon vouloir de toutes ces personnes qui ont pour objectif non pas de bloquer ton projet, mais de remplir leur mission : tenir les effectifs. Être certains que chaque élève de chaque classe aura un professeur face à lui/elle à la rentrée scolaire, et qu’il y aura suffisamment de remplaçants s’il/elle venait à tomber malade.
Le coût réel de la sécurité de l'emploi que t'apporte l'Etat s'appelle: nécessité de service
Tu comprends beaucoup mieux le contrecoup, le prix réel de ta sécurité d’emploi.
Par un concours, l’Etat te promet une sécurité d’emploi à vie, une progression salariale garantie tout au long de tes 41,5 années de carrière (bientôt 44 ans à la prochaine réforme des retraites, prépare-toi psychologiquement), contre une privation de ta liberté de mouvement et de décision.
Tu acceptes, par ce contrat tacite d’avoir décroché ton concours du CRPE, du CAPES, du PLP ou de l’Agrégation, de te priver de ce qui t’est le plus essentiel depuis ta naissance : tes libertés fondamentales.
- Tu n’es plus libre de penser comme tu veux puisque tu dois appliquer des programmes que d’autres conçoivent sans te demander ton avis.
- Tu n'es plus libre de t'exprimer comme tu veux sur ton lieu de travail, en salle des profs, ni même sur les réseaux sociaux, ton inspecteur (IEN ou IA-IPR) peut aller consulter ce que tu publies surtout si tu utilises ton prénom et ton nom réels pour t'exprimer. Les réseaux sociaux sont pleins de professeurs qui viennent s'épancher de la convocation reçue par voie hiérarchique pour s'expliquer sur les points de vue qu'ils ont exprimés sur le web. Etre fonctionnaire de l'Etat ou assimilé, c'est être discret, soumis.
- Tu n'as pas le droit de répondre à un journaliste, un média, sur l'exercice de ton métier si l'objectif du reportage est de critiquer ton employeur (aucun employeur prié n'accepterait ça, par ailleurs, c'est normal). Et même si tu veux dire du bien de ton métier, il te faudra demander l'autorisation par la voie hiérarchique, et en général le journaliste se sera découragé de faire son reportage bien avant que la réponse de ta hiérarchie ta parvienne. Si tu fais partie d'un syndicat ou d'une association militante, tu pourras conserver ce droit de t'exprimer sous couvert de cette personne morale, en veillant à ne pas diffamer une personne physique en particulier.
- Tu n’es pas libre de choisir ton département d’affectation sauf si, présent longtemps dans le même établissement, tu accumules beaucoup de « points » qui te permettront d’attendre patiemment d’obtenir « le bon barème » (ça change chaque année selon le nombre de postes vacants mis à la mutation) pour changer de département ou de région.
Si tu as choisi de passer ton concours de CRPE dans les départements de la Région Ile-de-France, tout ce système a oublié de te dire que tu y resteras coincé(e) au moins 15 ans quoi qu’il arrive. Tu ne pourras pas changer de département, revenir dans ta contrée lointaine natale si belle et si agréable avec des logements 3 fois moins chers peut-être qu’autour de Paris.
Si tu as été affecté comme 65% des lauréats des agrégations et des Capes dans les académies de Versailles, Paris, Amiens, tu n’es pas prêt(e) d’en repartir. Qui plus est ce sont les académies les plus difficiles avec le plus grand nombre d’écoles, collèges et lycées en Réseaux d’Education Prioritaire avec des établissement « zone violence » où tu auras le sentiment d’être descendu à la cave par rapport au sommet du gratte-ciel des compétences qui ont été exigées de toi lors de la préparation de ton concours. Comprenne qui veut.
- Tu n’es pas libre de tes mouvements : dans l’Education nationale, c’est impossible de repartir quand tu en as envie et où tu as envie en cours d’année scolaire. Tu ne peux donc pas chercher un autre emploi, y être recruté(e) en cours d’année, et obtenir l’accord de ton Recteur ou de ton Dasen. Non. C’est comme si tu étais entré(e) dans un régime de liberté surveillée, dans un quartier de haute sécurité.
Quand puis-je repartir, quitter le métier de professeur, si je n'en veux plus ou n'en peux plus ?
Tu as juste le droit de demander à partir pour le 1er septembre de l’année suivante, en t’y préparant 6 à 9 mois à l’avance selon ce que tu demandes :
- disponibilité (6 à 9 mois d’anticipation de la demande si c’est en « convenances personnelles »),
- détachement (au moins 6 mois d’anticipation, donc impossible de partie en cours d’années scolaire, le recruteur prendra le 2e sur sa liste des candidats qu’il voulait retenir).
Tu es juste là pour obéir à ce qu’on te demande de réaliser. Tu es devenu un instrument, un outil, un pion, appelle ça comme tu veux. Tu es juste un des 857.000 professeurs chargé de faire ce qu’on lui demande de faire, en laissant de côté sa liberté de mobilité professionnelle.
Pour t’échapper, il n’y a pas 36 solutions : le concours externe ou interne vers une autre administration sera le moyen le plus rapide et obligatoirement accepté. Personne ne pourra te refuser ta réussite à un autre concours.
Mais pour un détachement, une disponibilité, une mutation, une démission, une rupture conventionnelle, c’est la nécessité de service qui règne : on peut tout te refuser. Même ta demande de Congé de Formation Professionnelle.
Devenir fonctionnaire, c'est signer une forme de contrat tacite
En devenant fonctionnaire, tu entres dans un paquet de contraintes qui dureront toute ta carrière au service de l’Education nationale.
Le professeur contractuel lui, reste libre, peut exercer une autre activité en parallèle, librement, peut partir quand il en a envie. Il n’a pour autant pas la part belle non plus par rapport au titulaire : sa progression salariale n’est pas assurée, mais s’il a un tempérament entreprenant, dynamique, il aura tôt fait de changer de poste et de négocier son salaire avec un nouvel employeur.
Alors, devenir professeur contractuel, ou titulaire ?
Le raccourci est vite fait : celui qui devient fonctionnaire est souvent celui/celle qui n’a pas trop envie de se fatiguer à changer régulièrement d’employeur ou qui ne sait pas négocier son salaire, ou qui ne sait pas comment se faire recruter quelque part. Beaucoup préfère passer un concours et se dire qu’au moins, par la force de sa mémoire et de sa capacité à bien écrire, il ou elle décrochera un emploi.
Le salaire du titulaire évoluera pendant les 20 premières années à l’allure d’une limace. Très lentement mais sûrement. Les primes des professeurs sont très faibles, et s’ils veulent gagner plus, il leur faudra travailler beaucoup plus que s’ils avaient fait le choix dès le départ de devenir personnel administratif. D’ailleurs certains anciens professeurs des écoles nous le disent : ils gagnent nettement mieux leur vie en ayant obtenu un concours de catégorie C (niveau brevet des collèges) avec les primes, que dans leur ancien statut de professeur des écoles avec un master2, en ayant obtenu les concours du Ministère des Finances (Impôts, Trésor) ou de l’Insee.
Quand tu deviens professeur titulaire, tu as le sentiment les premières années de mieux gagner ta vie grâce à la « prime d’installation », la « prime de déménagement », mais quand ces primes disparaîtront 3 ans plus tard, tu auras le sentiment de stagner financièrement, puisque tu auras été payé au départ aussi bien que des professeurs qui avaient 5 à 10 ans d’ancienneté. Il ne te restera alors plus qu’à augmenter ton temps de travail par des heures supplémentaires si tu veux conserver un niveau de vie équivalent au moins à ce lui que tu avais au départ, les 3 premières années. Tout cela, personne ne te le dira, sauf sur AIDE AUX PROFS. Le site qui dévoile tout ce que les autres sites te cachent sue la réalité du métier, belle et moins belle.
La nécessité de service t’empêchera en de nombreuses circonstances de décider de ta vie comme tu le souhaiterais.
- Elle t’empêchera de réaliser la formation dont tu avais envie au moment où tu en avais envie.
- Elle t’empêchera d’être recruté(e) sur ce poste qui te faisait envie, là, juste près de chez toi dans cette association ou dans cette entreprise qui vient de se créer.
- Elle t’empêchera d’obtenir cette disponibilité pour convenances personnelles pour créer ton entreprise ou pour prendre le large quelques années. On t’obligera souvent à l’écourter, car le système RH de l’Education nationale aura besoin de toi l’année d’après. Tu ne peux donc même pas déménager !
- Elle t’empêchera de démissionner même si c’est ton désir le plus fou, car le système RH de l’Education nationale n’est pas le Code du Travail des salariés du privé : c’est un système auquel tu appartiens, car l’Etat est devenu propriétaire de ta liberté par l’obtention de la qualité de titulaire. Tu es là pour servir l’Etat, pour fonctionner, pour le faire fonctionner. Tes choix, tes désirs, passent au second plan.
- Elle t’empêchera d’obtenir la somme rondelette dont les textes de lois t’ont fait saliver pour la Rupture Conventionnelle. Les Services RH en refusent autant qu’ils le peuvent (80% de refus en 2020, 2021 et certainement en 2022 aussi), tellement leur budget réservé à cet effet est étriqué, voire nul. Tu auras le sentiment que chacune des personnes que tu rencontreras a été payée pour t’empêcher de partir, voire que son avenir professionnel en dépend.
Alors réfléchis bien à ton bien le plus précieux et ce que tu veux en faire dans les années ou décennies qui viennent : ta liberté d’expression et de mobilité professionnelle.
- Si tu as compris qu’être professeur titulaire, c’est d’être privé de ta liberté de quitter l’Education nationale au moment où tu le souhaites, c’est l’essentiel.
- Si tu as compris que la contrepartie à cet ensemble de privations de liberté, c’est obtenir un emploi garanti à vie, alors tu as tout compris. Tout découle de ça.
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