Professeur des Ecoles depuis 20 ans, a contacté AIDE AUX PROFS pour être accompagnée dans sa demande «d’extraction de la fonction publique», donc de démission. A 46 ans, elle ne s’imagine pas poursuivre dans un environnement de travail si contraignant et épuisant.
C'est durant sa scolarité que s'est produit le déclic de devenir professeur
J'ai pu rencontrer tout au long de ma scolarité quelques enseignants passionnés et passionnants qui m'ont donné le goût d'apprendre et l'envie de transmettre. D'autres au contraire ont été source de démotivation, de perte de confiance en moi, de mal être. Pourtant, ce sont bien ces deux catégories d'enseignants qui ont été un moteur pour que je m'engage à mon tour dans ce métier en m'investissant sur 3 axes : "apprendre à apprendre", "donner davantage de sens aux apprentissages " et enfin "enseigner dans la bienveillance".
J'ai voulu enseigner pour aider, accompagner, faire grandir et s'épanouir des enfants dans "leur costume" d'élèves, afin qu'ils se sentent bien dans leur peau de futurs citoyens. Je suis devenue enseignante pour venir en aide aux élèves qui rencontrent des difficultés scolaires en leur donnant le goût d'apprendre et l'envie d'aller à l'école.
Après une Fac d'Hist-Géo et l'envie d'enseigner cette matière, j'ai préparé le CAPES. Mais, les stages en situation, à tout juste 21 ans, m'ont ouvert les yeux sur le manque de motivation des élèves pour cette matière et le côté trop magistral de cette discipline. J'ai donc abandonné, en cours d'année, la formation à l'IUFM et me suis tournée vers le concours de professeur des écoles. Pendant 11 ans, j'ai cumulé mon travail d'enseignante en milieu rural avec la fonction de directrice.
Elle a vite découvert qu'être Professeur des Ecoles, c'est exercer une multitude de compétences, pour un quotidien qui n'est jamais le même, toujours instructif.
En tant que Professeur des Ecoles, je suis naturellement polyvalente.
Etre enseignante dans des classes à cours double, triple voire à 5 cours, m'a permis de prendre en charge des groupes d'élèves (jusqu'à 30) avec des niveaux hétérogènes, de différencier un maximum ma pratique, de fédérer une équipe de collègues (travail de direction), de concevoir et faire vivre des projets de A à Z (classes de découverte, classes à PAC...). Mon poste de directrice m'a de plus permis de grandir en compétence pour la prise de parole en assemblée plénière (réunion de rentrée, conseils d'école...).
En plus de préparer et d'animer ma classe, je suis donc capable de monter un budget prévisionnel, de contacter des structures pour trouver des aides au financement, de rédiger des demandes auprès des institutions compétentes, de faire un bilan sur les activités et projets menés.
Je suis constamment en relation avec les partenaires de l'école (la municipalité, l'Association des Parents d'Elèves) avec lesquels j'entretiens des relations privilégiées afin de faciliter le dialogue.
Tout au long de ma carrière je me suis personnellement investie sur un bon nombre de projets: classes de découverte, jardin potager, projets Théâtre/Cirque/Chorale. J''ai ouvert ma classe aux parents dans le cadre d'ateliers Cuisine/Bricolage/"un Café-Une expo", organisé des kermesses et autres manifestations scolaires.
Durant sa carrière, elle s'est sentie valorisée
J'ai toujours été bien notée par les Inspecteurs. J'ai ainsi pu avancer au Grand Choix jusqu'à la réforme de l'avancement à l'ancienneté.
Avec le numérique, elle a pu mettre en place de nouvelles activités pour ses élèves
J'utilise des logiciels éducatifs en ligne pour familiariser les élèves avec le monde digital. J'utilise en classe avec les élèves et à titre personnel des PC, tablettes, appareils photos numériques, Smartphone.
Mais tant d'investissement personnel l'a conduite à oublier sa santé, et maintenant, elle subit cette situation qui la conduit à une remise en question profonde
Depuis un Burn Out il y a 4 ans, je suis suivie par une Psychologue du Travail du privé. Je mène un travail de fond pour rééquilibrer les différentes sphères de ma vie. Mon surinvestissement professionnel, qui était devenu addictif, m'a égarée.
Grâce à l'aide apportée par ma Psychologue du Travail, je travaille à mener en classe des projets moins chronophages mais tout aussi intéressants et motivants pour mes élèves ; je change mon "angle d'attaque" dans ma façon d'enseigner pour ne pas m'endormir dans la pratique quotidienne de ma classe.
Elle se ne sent plus d'attaque à faire face au manque de moyens pour réussir au quotidien
Pourtant, malgré tout je m'essouffle. Et, l'arrivée d'enfants porteurs de handicap (autisme, trouble du comportement) avec une seule Assistante de Vie Scolaire dans une classe de 25 élèves de Moyenne et Grande Sections (qui n'ont fréquenté l'école que quelques mois l'an dernier à cause du confinement) a fini de me faire sombrer car je ne suis plus capable de mener de front un enseignement différencié pour les élèves de ma classe à cours double en plus de tous ceux qui doivent être aidés car rencontrant des difficultés scolaires.
Je me suis tournée vers mon Administration qui m'a dit de "lever le pied" en ne faisant que 50% de ce que je fais habituellement. Selon eux, cela serait déjà bien suffisant.
Lorsque je leur ai demandé comment m'y prendre et de bien vouloir entendre mon malaise et de me proposer une aide, j'ai eu pour réponse "Ne faites pas trop de bruit car vous pourriez vous fermer des portes vers des postes à l'Inspection".
Mes bras m'en sont tombés !! C'est la goutte d'eau qui finit de faire déborder le vase !! Je suis broyée, fatiguée et démotivée par cette administration sourde et muette.
En contactant la GRH de proximité, elle a clairement eu le sentiment qu'on cherchait à lui faire repousser son projet de partir
J’ai eu deux rendez-vous en visio à intervalle de 3 mois avec l'assistante sociale de l'Inspection Académique pour lui faire part de mon envie et de ma détermination à me reconvertir professionnellement vers un métier dans lequel je m'épanouirai davantage. J'ai eu pour réponses que "vous n’êtes pas au meilleur de votre forme », « profitez de votre arrêt maladie pour vous reposer et non pour réfléchir à une reconversion », «ne reprenez pas le chemin de la classe avant septembre » et que ce nouveau projet professionnel sera « peut-être à remettre sur la table l'an prochain une fois que vous serez apaisée et requinquée ».
J'ai également eu un entretien par visio avec la Conseillère Mobilité Carrière du Rectorat, qui m'a exposé sa mission et a vaguement écouté mon projet car elle avait été contactée par l'assistante sociale qui lui avait dressé un tableau de la situation. J'ai eu beau lui expliquer que cela faisait 4 ans que je murissais l'envie d'une reconversion professionnelle, elle m'a renvoyée à un rendez-vous dans… neuf mois, l’année scolaire prochaine !
Ma psychologue du Travail m'a dit de profiter de mon arrêt maladie pour commencer à me former sur mes fonds propres, ce que j’ai entrepris. Quand on est professeur, on doit financer soi-même les formations qui nous intéressent pour notre reconversion.
On n’a droit à rien.
Comme elle, beaucoup de professeurs nous ont contactés, et à chaque fois nous répondons à leurs attentes sans reculer leur projet.
Nous estimons que le besoin du professeur est à saisir au moment où il se manifeste, car 16 ans d'accompagnement de projets de reconversion nous ont appris qu'un professeur qui, à un moment, souffre de son métier, et a envie de partir, verra cette envie revenir tout au long de sa carrière ensuite.
S'il n'écoute pas ce besoin, au moment où il survient, sa vie se nourrira de ses multiples regrets.