Fanny : de Professeur des Ecoles en France à Professeur Contractuelle en Suisse
Interview de Rémi BOYER pour Aide aux Profs
Vous êtes devenue Professeur des Ecoles dans l'Education nationale après avoir réalisé une formation à l'IUFM de Créteil. Pourquoi avoir choisi ce métier, et avez-vous été satisfaite de la formation initiale ?
« Depuis l’adolescence, mon souhait était d’être enseignante.
La formation dans l’académie de Créteil a été très enrichissante et m’a préparée, à mon sens, de la meilleure des façons, en me permettant de faire face à un grand nombre de situations. »
Pendant 5 ans vous enseignez en France. Quel bilan faites-vous de cette expérience, au niveau pédagogique et au niveau des relations que vous avez pu avoir avec l'inspection, votre direction et administration ?
« Si j’aime repenser à mes premières années d’enseignement, c’est grâce aux conseillers pédagogiques qui m’ont suivie, ainsi qu’à mes collègues.
Les premiers ont été d’un professionnalisme à toutes épreuves. Je leur dois beaucoup. Une observation fine de mes pratiques, pour le moins tâtonnantes, une posture positive, un feedback constructif, un étayage personnalisé qui partait de mon contenu.
J’ai fait partie de la vague d’enseignants qui a peu eu de cours a l’IUFM. Nous avons obtenu le concours en juillet, pour être ensuite « lâchés » en classe, en septembre pour le premier groupe, et en octobre pour le deuxième, auquel j’appartenais. Le découpage était 80% en classe en responsabilité et 20% en formation à l’IUFM.
Ce qui était difficile et peu intéressant d’un point de vue pédagogique, c’était que pendant les périodes de formation en IUFM, nous nous remplacions mutuellement en classe entre enseignants stagiaires. C’est ainsi qu’en octobre, ma première classe en Seine Saint Denis fut celle d’un enseignant du groupe A démissionnaire.
Lors d’un match de handball à l’IUFM, je me blesse. Je me retrouve immobilisée quelques semaines. Quelle chance ! Mon « planning de prise de classe » ayant été chamboulé, me voilà remplaçante d’un enseignant chevronné ! Se mettre dans les chaussons d’un collègue expert, ayant des pratiques claires, ritualisées et motivantes pour les élèves m’a permis de faire évoluer ma pratique rapidement, du moins en théorie.
En cinq ans, j’ai navigué dans huit écoles. Les différentes directions n’ont pas été facilitatrices, excepté ma première directrice, à Saint Denis.
C’est à mes différents collègues que je dois, en grande partie, ma posture professionnelle. Partage de pratiques, dons de supports, oreille attentive, conseils avisés, répartie humoristique. Un grand merci à mes premiers collègues ! »
En 2015 vous devenez enseignante contractuelle en Suisse. Comment avez-vous réussi ce changement ? Quelles en sont les étapes précisément ?
« Votre tournure de phrase me fait sourire. Dans la vie, tout est affaire de relations humaines… J’ai rencontré l’homme avec lequel j’ai à présent fondé une famille. Il a été muté à Genève et m’a lancé un « tu viens, il y a des écoles aussi là-bas ». »
Depuis 5 ans vous avez obtenu un CDI. Quelles sont les étapes précisément pour décrocher ce poste définitif ?
« J’ai commencé par obtenir une équivalence de diplôme. Ce n’est qu’une formalité, un épais dossier à remplir et à nourrir de différents documents. J’ai ensuite démarché les écoles en envoyant des CV, sans succès. J’ai travaillé pendant une année en tant qu’assistante éducatrice en crèche.
Comme l’école commence plus tard en suisse (il n’y a que deux années de maternelle), j’avais le groupe des 2-4 ans et j’y faisais plus ou moins mon travail d’enseignante de maternelle. Cette année a été incroyable et j’ai beaucoup appris au contact de mes collègues, ainsi que de la directrice. De vraies spécialistes de la petite enfance, très impliquées et pertinentes dans leur approche.
Parallèlement à cela, j’essuyais un refus du DIP, équivalent de l’Education nationale, car je ne parle pas l’allemand. À Genève, peu de personnes parlent l’allemand, mais la confédération helvétique a la volonté d’unifier ses 26 cantons sur plusieurs plans, dont celui de l’éducation. Aussi, l’enseignement de l’allemand, seconde langue nationale, est obligatoire dès la 5P - le CE2 pour nous.
Je parviens tout de même à intégrer le service des remplaçants. Quelques journées, semaines puis deux longs remplacements de presque 5 mois chacun.
Ces expériences ont été très riches sur le plan pédagogique.
Deux lettres de recommandation m’ouvrent ensuite les portes de deux écoles privées genevoises. »
Quelles différences et éléments communs existent entre le métier de professeur en France, et en Suisse, au niveau du 1er et du 2nd degré ?
« Je suis enseignante au primaire. Fondamentalement, une classe est une classe. Les différences d’un pays à l’autre sont, de mon point de vue, minimes.
Alors oui, l’enseignement de l’écriture est différent, la cursive suisse implique une gestuelle spécifique, plus coûteuse en temps et en énergie, et a un rendu visuel différent de la française. En géographie, le relief et les cantons suisses priment bien entendu. En mathématiques, les supports du DIP sont davantage axés sur le développement des compétences de recherches par tâtonnements et de logique. En Histoire, les scénarios pédagogiques proposés par le PER (le Plan d’Étude Romand) sont universitaires et complexes en termes d’appropriation, en comparaison à un manuel français, mais d’une pertinence rare. »
Que conseilleriez-vous à un professeur qui souhaite devenir professeur en Suisse ?
« Je lui conseillerais d’envoyer des candidatures spontanées dans les écoles privées. Si c’est l’enseignement public qui est visé, il faut être résident suisse et avoir un niveau B2 en Anglais et en Allemand.
J’ai enseigné une année scolaire en école publique. Effectivement, je me souviens avoir ressenti un léger à priori froid de la part de mes collègues suisses. En quelques semaines seulement, des relations de confiance et d’échange se sont instaurées. »
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