Alain Bouvier résume cette actualité qui a secoué l'académie de Versailles :
« La honte, quelle honte ! »
Alain BOUVIER revient sur l’affaire Charline AVENEL L’ancien recteur reprend le propos du ministre : c’est une honte. Mais ce qui choque Alain BOUVIER, c’est la réaction de l’ancienne rectrice de Versailles. « Un « chef » ne peut se dédouaner ainsi en s’attaquant à ses services ; en le faisant, il se déshonore ! S’il y a défaillance interne, c’est nécessairement la sienne ! » écrit-il. Il signe cette tribune.
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AIDE AUX PROFS:
Nous apprécions beaucoup Alain BOUVIER car c'est l'un des rares hauts fonctionnaires à dire tout haut ce que beaucoup pense tout bas. Il n'est plus assujetti, dans sa longue et active retraite, au droit de réserve si exigeant qui emprisonne les esprits de tant de hauts fonctionnaires, privés de leur liberté d'expression personnelle, obligés de diffuser les injonctions de leur tutelle et de feindre y trouver leur bonheur, obligés de renoncer de leur plein gré à la démocratie pour un système autoritaire conçu par une poignée d'entre eux et que certains durcissent sans cesse, comme si c'était le seul mode de fonctionnement, au sein d'un système qui ne peut pas changer intrinsèquement. Mais qui continue d'affirmer que les professeurs doivent apprendre à l'élève à forger son esprit critique, et que l'Ecole rendra libre. Eux, ne le sont plus.
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ALAIN BOUVIER s'indigne face à une récente actualité :
En tant qu’ancien recteur, je suis profondément choqué et meurtri par le terrible drame subvenu dans l’académie de Versailles, rapporté et largement commenté dans les médias. Je le suis également par l’attitude de l’ancienne rectrice directement concernée, je suis même ébahi !
Le ministre, Gabriel ATTAL est très vite intervenu, sans chercher à « défendre l’indéfendable » qu’il a, avec justesse, qualifié de honte. A contrario, je n’en dirais pas autant pour l’ancienne rectrice dont la très tardive réaction ne fut pas à la hauteur, c’est le moins que l’on puisse dire ! Comme si, en l’occurrence, la lucidité, l’amour-propre et surtout le courage n’étaient pas au rendez-vous.
En apprenant la teneur de l’inqualifiable lettre envoyée aux parents d’élèves et en découvrant le contenu de ce message honteux et inacceptable, au-delà de ma stupéfaction, comme je l’ai dit alors à Marie Piquemal du journal Libération qui m’interviewait à chaud, je me suis fait deux remarques. D’une part, sachant comment fonctionne un rectorat, sans doute la lettre incriminée n’était pas la seule ; le système avait dû en produire d’autres et nous allons vite le savoir pensais-je alors. Et, effectivement, quelques jours après, nous le sûmes ! D’autre part, cet inqualifiable incident est, sans doute, directement la conséquence d’un management inadapté pratiqué par la rectrice, comme je vais l’expliquer.
Dans le secteur public, un chef se doit d’assumer publiquement ses décisions, bonnes ou mauvaises. Il doit les reconnaitre, sans faire porter les erreurs commises sur ses équipes qui, en l’occurrence, n’étaient que des exécutants. Par définition de la fonction, la rectrice était responsable de tout ce qui sortait de ses services. Comme me l’ont enseigné les grands recteurs avec lesquels j’ai eu le plaisir et le bonheur de travailler, elle devait d’abord assumer la bévue et l’énorme maladresse, puis très rapidement présenter ses excuses aux parents d’élèves et enfin indiquer à son successeur quelques leçons à tirer en termes d’organisation interne du rectorat car là, sans aucun doute, résidait un problème majeur.
Un rectorat, surtout le plus gros, est une lourde bureaucratie de plusieurs centaines d’acteurs. Certes, les bureaucraties ont de nombreux inconvénients que je dénonce souvent dans mes livres, mais elles ont aussi quelques avantages, en particulier celui de fonctionner sur la base de procédures explicites et fixées par des écrits. En l’occurrence, le rectorat n’a évidemment pas mis en place une procédure pour envoyer un courrier isolé, mais pour de nombreux à venir et nous le savons aujourd’hui il y en eut plus de 120, dont 55 « posent des questions », selon un euphémisme ministériel employé pour dire totalement inadaptés. Il y a deux cas de figure possibles : si tout cela s’est fait sans l’aval de la rectrice, alors il y a une considérable faute d’organisation interne et de management du rectorat ; à qui la faute ? Et si ce fut fait à sa demande, alors, sur le plan de l’éthique, c’est pire encore !
La délégation peut se pratiquer, mais elle est un art subtil, qui demande de la réflexion, de la finesse, qui peut comprendre différents niveaux et surtout d’indispensables mécanismes de régulation. Si on n’apprenait pas cela jadis à l’ENA, alors on a eu raison de supprimer cette école !
La très tardive intervention publique de la rectrice, la veille de la venue à Versailles du ministre, fut pitoyable. Un « chef » ne peut se dédouaner ainsi en s’attaquant à ses services ; en le faisant, il se déshonore ! S’il y a défaillance interne, c’est nécessairement la sienne ! Mis à part quelques amis proches de l’ancienne rectrice, dans le milieu des recteurs et anciens recteurs, ce fut un choc général qui va laisser longtemps des traces profondes et c’est tant mieux ! C’est une formidable leçon de management et d’éthique. Tous ou presque sont abasourdis, voire effondrés, comme c’est mon cas.
Dans un rectorat, tout relève du recteur, même lorsque rien d’explicite n’est écrit. Affirmer, comme elle le fit, qu’elle ignorait la procédure installée pour ces courriers c’est commettre une magistrale erreur professionnelle qui restera un cas d’école dans les cours en management public. C’est d’autant moins compréhensible qu’un recteur est entouré d’une équipe de proximité composée de hauts fonctionnaires loyaux et très expérimentés, qui en principe assurent la vigilance nécessaire sur les services. Pourquoi n’était-ce pas le cas ? Qui en avait décidé ?
Les audits lancés par le ministre, d’abord sur le rectorat de Versailles puis sur tous les autres - les recteurs doivent en savoir gré à leur ancienne collègue ! – devraient permettre de déclencher cet « électrochoc » salutaire évoqué par le ministre et bien nécessaire.
Pendant plusieurs années, le rectorat de Versailles s’était fait remarquer par des pratiques innovantes, voire disruptives ; après tout, pourquoi pas ? Je trouvais même intéressante cette recherche de voies nouvelles face à des problème répétitifs, difficiles et non résolus. Raison de plus pour pratiquer un management rigoureux, vigilant et surtout responsable. Dans le cas présent, clairement, il n’était pas présent au rendez-vous !
Oui, cette honte, quelle honte !
Alain BOUVIER
Ancien recteur
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