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lentement mais sûrement, les professeurs voient leurs conditions de travail se dégrader


Entre 2017 et 2022 Jean-Michel BLANQUER ancien Recteur et DGESCO, a réalisé de profonds changements dans l'éducation nationale, connaissant parfaitement les rouages du système. Mais sa longévité a fini par exaspérer les syndicats qui n'ont juré que par son départ. Qu'ont-ils récolté ensuite ? Une instabilité à la tête de l'éducation nationale avec 6 ministres en 2 ans, et une dégradation des conditions de travail et de rémunération. Pas un mois ne passe sans que les intentions du Gouvernement inquiètent...

 

1. Des augmentations toujours décevantes avec des "revalorisations" qui ont toujours déçu depuis 40 ans

 

L'éducation nationale de plus en plus impose une politique de "rémunération variable", qui désavantage les femmes qui ont en parallèle des enfants et dont le conjoint leur délègue encore la majorité des tâches domestiques. Celles-là savent qu'en prenant trop de HSA, de HSE, d'IMP, de briques de Pacte, c'est le burn-out qui les attend... dans un ministère de professeurs où les femmes sont majoritaires.

 

Avec ces primes toujours liées à du travail en plus, contrairement aux primes statutaires liées au grade que touchent les personnels administratifs, avec plus de 1.500,00 €/mois en plus pour les Attachés d'administration, les IEN et les IA-IPR, les professeurs sentent bien que leur condition se dégrade, et que l'éducation nationale commence à réussir son principal objectif: diviser les professeurs, éclater les cellules syndicales, focaliser l'énergie de chaque prof sur ce qu'il parviendra à obtenir de son chef d'établissement pour gagner plus. Bref: semer la zizanie entre les profs.

 

Le pouvoir d'achat des professeurs en France s'est réduit de plus de 50% depuis le milieu des années 1980. Le gel du point d'indice qui a parfois duré 10 ans, néfaste au maintien du pouvoir d'achat des fonctionnaires. Le gouvernement BAYROU vient d'annoncer un nouveau gel du point d'indice et la suppression de la GIPA, qui permettait à ceux qui n'avaient pas obtenu de changement d'échelon depuis 4 ans, de recevoir une indemnité compensatoire de l'inflation.

 

2. Une augmentation des effectifs des classes, avec de plus en plus d'élèves en difficultés en inclusion scolaire avec leurs camarades.

 

A charge pour leurs enseignants de jongler entre les DYS, les HPI, les TSA, les TDAH, les hyperactifs, les allophones, etc dans un joyeux bazar administratif qui leur fait s'arracher les cheveux, s'égosiller, et perdre peu à peu confiance dans leur métier.

 

Nicolas SARKOZY entre 2007 et 2012 avait supprimé 80.000 postes de professeurs, dont les postes d'enseignants spécialisés (les RASED), ce qui a conduit par la suite l'éducation nationale à promouvoir l'inclusion scolaire sans former tous les professeurs à savoir gérer cette forte hétérogénéité de publics, dans des classes de plus en plus chargées, et des programmes toujours aussi lourds, qui ont rendu cette situation impossible.

 

Entre 2007 et 2012 avaient aussi été supprimés 5.200 postes de professeurs réalisant une seconde carrière en mise à disposition auprès d'associations et d'établissements publics. C'est en 2012 que les professeurs ont pu comprendre que les politiques n'avaient aucune intention de tenir les promesses de l'article 77 de la loi des retraites de 2003 qui a allongé aussitôt leur "carrière" de 4,5 années.

 

Les établissements "siglés" n'ont cessé d'augmenter des années 1980 à 2020: ZUS, ZEP, PEP IV, Zone Violence, APV, ECLAIR... les hauts fonctionnaires ont rivalisé d'imagination pour tenter de masquer à l'étudiant, au salarié, au professeur stagiaire, des conditions d'exercice difficiles. Ceux qui veulent y échapper ont préféré, au grand dam des syndicats de l'enseignement public, tenter les concours de l'enseignement privé, qui ne comporte pas de tels établissements.

 

3. Ceux des professeurs qui souffrent de leurs conditions de travail sont invités à ... se taire, prendre sur eux, régler leurs problèmes eux mêmes.

 

Alerter leur chef d'établissement, c'est prendre le risque d'un mauvais emploi du temps l'année suivante, c'est perdre l'indemnité de professeur principal, c'est se voir privé de leur Indemnité pour Mission Particulière, c'est obtenir un "rendez-vous carrière" imposé avec leur IEN ou leur IA-IPR qui leur fera des reproches, c'est rencontrer un "conseiller mobilité carrière" (CMC) qui n'aura pas d'autres propositions que celles de "changer de discipline", de "devenir chef d'établissement", ou de "se mettre en congé de maladie".

 

L'Education nationale n'aime pas qu'on lui signale les dysfonctionnements, elle qui s'efforce d'imposer la vision d'une "Grande et Belle Maison qui fonctionne bien", avec une "GRH de proximité" présentée comme une révolution, mais qui ne résout pas les situations problématiques sur le terrain de la souffrance des professeurs, obligés de manifester et d'alerter les médias.

 

A vrai dire, le métier de professeur est majoritairement devenu un emploi précaire, avec un revenu qui sera artificiellement accru les 5 premières années de carrière par des primes (attractivité jeune professeur, déménagement, etc), mais stagnera les 20 années suivantes, le professeur passant ces 20 ans à prendre des heures supplémentaires et des briques de Pacte pour tenter de compenser la perte des primes d'entrée. Au bout de 24 à 26 ans, parvenu au sommet de sa classe normale, il retrouvera grosso modo au niveau indiciaire ce qu'il avait réussi à gagner dans les années précédentes avec des HSA, des HS, du PACTE, des IMP... et aura surtout le sentiment d'avoir peu ou prou toujours gagné le même revenu depuis ces 24 à 26 ans. Ce n'est qu'une fois parvenu en Hors-classe et classe exceptionnelle (qui ne concerne que 10% des professeurs dans leur carrière) qu'il obtiendra enfin, 35 à 42 ans de carrière à son actif, la rémunération de départ d'un jeune ingénieur parti travailler dans le privé avec son...Master 2.

 

4. Début février 2025, pilotés par une ancienne Première Ministre familière du "49.3", une pratique éloignée de l'esprit de concertation

 

Cette technique conduit toute négociation à aller dans le sens de ce qu'elle a décidé, les professeurs sont brutalement informés de l'arrêt du Pass Culture jusqu'à la rentrée 2025, à l'exception de ceux (après qu'un tollé ait fait peur au gouvernement) qui venaient de déposer leur projet sur la plateforme ADAGE.

 

Pendant ce temps, le DGRH depuis 2 ans, Boris MELMOUX-EUDE, continue son "tour de France des académies", avec déjà 20 académies visitées, pour assurer qu'une révolution RH est en marche, que l'administration va désormais mieux respecter les enseignants, et qu'ils peuvent lui faire confiance.

 

Tout montre dans les décisions venues d'en haut, que c'est le règne des injonctions paradoxales, avec des hauts fonctionnaires selon les alternances politiques qui pratiquent à la commande l'autoritarisme ou l'empathie: comment faire confiance à un système qui change constamment les règles ?

 

5. Dernière lubie en date du Président de la République, désireux de focaliser l'attention de toute la population ailleurs qu'à examiner son bilan 2017-2025: la réduction des vacances d'été des élèves (donc des professeurs).

 

A l'en croire, ce serait urgent. Mais c'est juste une stratégie destinée à faire parler de ce projet plus de la moitié de la population française (parents, enfants, professeurs, etc) afin qu'ils oublient la montée du chômage, l'aggravation des inégalités sociales avec des riches toujours plus riches et des pauvres toujours plus pauvres et surtout plus nombreux.

 

6. Pour en rajouter, Elisabeth BORNE projette dès la rentrée 2025 de faire former les élèves de 4e et de 2nde à l'utilisation de l'IA, après avoir déploré pourtant le faible niveau des élèves de France en Mathématiques et en Français.

 

Elle présente aussi l'IA comme outil de gain pour les professeurs, sans leur expliquer les perspectives sombres qui les attendent ensuite.

 

En permettant aux élèves de se reposer sur l'IA pour argumenter et écrire un français parfait à leur place sans avoir besoin de se fatiguer à écrire, ce serait étonnant que le niveau des élèves français grimpe en flèche dans les 10 ans qui viennent.

 

Quels pourraient être les effets à un horizon de 5 ans de cette IA ?

 

=> parvenir à démonter que dans la majorité des disciplines, la conception d'un cours d'école, de collège, de lycée, prendra moins de 1 minute au lieu de 2 à 4 heures autrefois, soit une division du temps de conception de 120 à 240.

 

=> Ce sera très tentant pour la Ministre d'en profiter pour revoir en profondeur la définition de l'horaire d'enseignement statutaire défini par les Décrets de 1950 des professeurs des écoles (24h), des professeurs certifiés (18h) et des professeurs agrégés (15h).

 

=> L'IA va permettre à l'Education nationale de réduire le nombre de professeurs en augmentant leur temps d'enseignement, puisqu'il sera bientôt démontré que l'IA leur permet de passer nettement moins de temps à préparer leurs cours.

 

=> Ainsi la Ministre de l'Education nationale pourrait-elle être tentée, puisqu'elle veut créer une nouvelle formation des professeurs, avec un recrutement reculé comme dans le milieu des années 1980 à un niveau de fin de Licence3, d'unifier le quota d'heures d'enseignement par niveau d'enseignement, et non par grade, sans qu'on sache combien d'heures devant élèves serait attribué, pour le même salaire.

 

Grâce aux gains de temps de conception de cours générés par l'IA, Elisabeth BORNE n'aura plus besoin de se focaliser sur la perte d'attractivité du métier de professeur. Il lui suffira d'augmenter le nombre de séances par semaine pour chaque grade de professeur, d'en réduire la durée à 45 mn comme en Allemagne, et d'accroître les tâches administratives des professeurs en établissement, pour finir par les annualiser comme ce qui a été fait pour les enseignants du supérieur.

 

En attendant, les mesures annoncées il y a 2 ans par un Ministre-Comète de l'Education devenu Premier Ministre peinent à se concrétiser.

 

SUR LE DNB - FIN DU PORTABLE AU COLLEGE - AUTORITE A L'ECOLE

 


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